Cynisme et Management

Cynisme et Management
26 Mai Cynisme et Management
Publié à 16h37 par Frédéric Bourdeau

Faut-il être cynique pour diriger ?

On ne parle pas là du cynisme ancien, celui de Diogène de Sinope (CF illustration), sale, brutal, effronté, provocateur, méprisant les codes… mais d’un cynisme moderne, emprunt du principe de réalité ou plutôt de réalisme froid. Un cynisme à la fois machiavélique considérant que la fin justifie les moyens, porté par des managers misanthropes qui se drapent dans de nobles principes comme l’égalité, la parité, la justice, sans nécessairement se les appliquer eux-mêmes.

Aujourd’hui le cynique est l’égoïste qui détourne les règles à son profit et se cache derrière la légalité pour se moquer de la morale.

Les scrupules et la grandeur ont été de tous temps incompatibles. Ces froids calculateurs n’ont que peu de valeurs morales personnelles pour se conformer aux règles du jeu de l’entreprise, qu’ils manient d’ailleurs avec brio.

Ils ne se mettent jamais en porte à faux vis-à-vis de qui que ce soit et s’interdisent de prendre position sur des éléments stratégiques dans la mesure où l’environnement est incertain et où la stratégie est amenée à évoluer. Ils n’hésitent pas en revanche à réécrire l’histoire en leur faveur, avec aplomb, ils démontrent souvent que leur capacité d’analyse leur a permis d’anticiper ce qui allait se passer, qu’il s’agisse d’un succès ou d’un échec… vous savez le fameux : « je l’avais bien dit, j’avais raison depuis le départ… »

Pourtant, aujourd’hui bien plus qu’hier, de nombreux groupes, dirigeants, conseils d’administration les affectionnent particulièrement et les chassent même pour leur maîtrise des codes de l’entreprise. On vante leur capacité à naviguer en eaux troubles et leur aisance à soutenir des idées parfois totalement contradictoires. Ils passent finalement pour des éléments utiles dans la société, des pions solides susceptibles d’être érigés en modèles car quoi qu’il arrive, quelles que soient les réactions, ils mettent en œuvre, exécutent les plans, froidement, de manière chirurgicale, sans états d’âmes et peu importent les dégâts collatéraux dès lors qu’ils parviennent à leurs fins, brillent aux yeux de leurs patrons et qu’ils en tirent un intérêt personnel.

Après tout, ces créatures extrêmement adaptables ont le mérite de regarder les choses comme elles sont, sans naïveté, et de continuer à tracer leur route. Ils cultivent l’antagonisme et savent transgresser les règles, les outils et les systèmes dès lors que cela sert les objectifs qu’ils poursuivent, ils adorent donner des conseils, des recommandations mais ne proposent jamais une aide opérationnelle.

Comment ces managers cyniques sont-ils perçus par les salariés ? Souvent comme faisant preuve de duplicité, de suffisance, et de manque d’intégrité… Ces stéréotypes largement médiatisés par des journalistes qui n’entendant rien à la complexité des entreprises ont néanmoins fait beaucoup de mal dans la confiance et la loyauté que peuvent avoir les salariés vis-à-vis de leur société et on le constate largement dans les études de climat ou les enquêtes d’opinions internes.

J’ai pratiqué quelques dirigeants de cette sorte et s’il est certain que leur management n’est pas sans une réelle efficacité dans le court terme, pour des missions ponctuelles de retournement, de restructuring ou de projets particuliers à mener à bien coûte que coûte ; sur le long terme ces managers détruisent le lien social, la confiance, l’engagement et l’envie. Ils créent du désabusement, de la défiance et freinent l’initiative.

Le choix du bon candidat pour un poste est donc aussi une véritable réflexion stratégique sur le besoin de court ou long terme. Sans aucune prétention d’exhaustivité de l’analyse, j’espère que cet hebdo aura ouvert une petite fenêtre de réflexion pour vos prochaines décisions de recrutement ou d’évolution de vos collaborateurs .